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Théâtre de l'espace

Dans les années 80, Besançon se développe, une ville nouvelle voit le jour : Planoise, pour les politiques de cette époque, elle fera 40000 habitants, elle en fera deux fois moins, la crise est passée par là, Besançon ville ouvrière, voit ses usines fermées une à une, la Rhodia, LIP...

Cette ville nouvelle construite à la hâte n’a que peu d’équipements collectifs.

À l’image de ce qui s’est passé dans les banlieues rouges de Paris, la municipalité statut sur un équipement culturel, pourquoi pas un théâtre. Et pourquoi pas faire d’une pierre deux coups, André Mairal, directeur du CDN, n’a pas de lieu digne de ce nom. Mais celui-ci n’a aucune envie, comme Guy Rétoré avec le théâtre de l’est parisien, ou comme Pierre Debauche avec les Amandiers, de s’exiler en Banlieue. Par défaut, la municipalité confie le projet à Jacques VIngler qui en sera le premier directeur. Pour ce militant de l’éducation populaire, l’idée n’est pas seulement d’avoir un lieu, mais d’avoir un outil d’expérimentation, comme la boite à chaussure qu’il avait enfant et dans laquelle il faisait défiler des personnages de papier. Mais aujourd’hui pour Jacques, les personnages de papiers, c’est le peuple et sa boite c’est la ville.

Il l’appellera l’espace, un outil expérimental et transformable. Oui, l’espace Planoise est complétement modulable, il permet d’expérimenter différents rapports aux spectateurs. Même si des coupes budgétaires en ont fait un rubiscube difficilement transformable et si les temps ne sont plus à l’expérimentation, mais à une relation frontale entre l’artiste et le peuple.

Mais l’espace est surtout un lieu où des dimensions artistiques et sociales se côtoient et fusionnent, ils essaieront de créer des brèches entre les genres,

Pour Jacques ce bel outil doit être poreux, ouvert sur le quartier, il doit être le lieu d’une culture par et pour tous, comme le faisait Pottecher au théâtre du peuple.

Et pour cela contrairement à ces successeurs, Jacques ne craint pas de marier, la fête et le théâtre. Autours du carnaval en 1985 3000 enfants sont acteurs et les enquêteurs d’une histoire qui se déroule pendant une semaine sur leur quartier, ils doivent trouver comment chasser Mémé Costaud la méchante sorcière qui à élu domicile à Planoise.

Ils fonctionneront suivant des axes thématiques ou disciplinaires, mêlant des ateliers et des présentations.

A l’époque, on troque assez vite sa casquette de créateur avec celle d’animateur ou de formateur. Jean-Luc Lagarce et Hideyuki Yano Chorégraphe venu s’installer à Besançon, Monteront au centre de rencontre un spectacle amateur, où se mêlera danse et théâtre.

Le centre de rencontre est un merveilleux outil complémentaire, il n’est pas rare que des artistes qui viennent présenter leur spectacle viennent y faire une causerie ou animer un stage. Voyages imaginaires, rendez-vous, avec la science, rencontres insolites forme un programme qui n’a qu’un objectif, éveiller la curiosité toujours et encore et que chacun aille voir ce qui pousse dans le jardin du voisin. C’est ce qu’ils feront autours du conte où ils collecteront auprès des habitants des récits, invitant des conteurs, travaillant avec les écoles autours de scénographies. Emmenant dans leur danse toutes les structures et écoles du quartier.

Il n’y a pas pour lui, comme ce sera le cas par la suite, de rupture entre l’art et l’animation, le peuple et l’art. Il n’y a pour lui rien de triviale dans cette façon de faire, au contraire et l’expression socioculturel n’est pas pour Jacques, un vilain mot, il en vient, comme la plupart des directeurs de salles qui fleurissent dans ces années-là. Il n’y a pas encore de master de médiation culturelle.

Mais cela ne les empêchera pas d’avoir un programme artistique ambitieux, ils donneront à des artistes des cartes blanches. Les compagnies locales ne seront pas oubliées, c’est là, que Jean-Luc Lagarce et sa compagnie de la roulotte feront leurs armes.

De Jacques Vingler je retiendrai cette porosité entre des mondes, entre professionnelle et amateur, Quartier et théâtre, Fête et art. Le théâtre n’est pas un lieu délié, il est au cœur d’une société en train de se faire. Comme le voulait Francis Jeanson.

A 60 ans en bon citoyen, il prendra sa retraite pour laisser la place à d’autres.

Après lui, en quelque année, l’espace, malgré sa transparence de façade et son discours populaire qu’il continuera à tenir, ne sera plus dans les faits qu’un espace de représentation sociale, où les uns se donne à voir aux autres. Le public du centre-ville prend le bus pour venir consommer des produits culturels dits "de qualité".

Il n’y a pas très longtemps encore, il y avait juste derrière l’espace un lieu qui s’appelait le forum, un foyer pour personnes en grande précarité, je me souviens être intervenu là auprès de bénéficiaire du RMI, et d’avoir monté avec eux, des étudiants et des comédiens professionnels le Roi Lear, qui était joué par Jacques Fornier. Lorsqu’il s’est agi de montrer notre travail, je suis allé voir Daniel Boucon le directeur de l’époque, où plutôt celui qui n’osait pas encore s’appeler comme ça, il avait été administrateur depuis les origines, mais on ne passe pas facilement de l’un à l’autre, il aimait dire qu’il attendait Godot.

Pour accuser une fin de non-recevoir, Il me dira à l’époque que l’espace n’était pas une annexe de la salle des fêtes des pompiers. Il faut dire qu’entre temps, l’espace Planoise était devenu, scène nationale, on rigole plus avec l’art et l’état.

Mais tandisque l’espace se referme comme une huitre sur la sacralité de l’art, deux trublions, Jacques Livchine et Hervé Delafont s’installaient à Montbelliard pour fonder le premier centre d’art et de plaisanterie. Pourtant, eux aussi ont le fameux label qui ouvre sur des subventions d’État, mais pour ces deux Bourgeois venus de Paris, il faut encanailler la province. Il pousse le bouchon un peu plus loin faire du théâtre une ville et de la ville un théâtre.

A Montbéliard, le théâtre de l’unité mène la danse, Ils mettront en place des stages, les Ruches, créerons en plein Hivers le réveillon des boulons, Ils feront de Montbéliard un centre culturel où leur brigade d’intervention théâtrale battent le pavé.

Besançon de son côté, avec deux structures d’envergure nationale, le CDN et l’espace Planoise ne sera pas trop comment distinguer les missions de l’une et de l’autre. L’espace se spécialisera dans ce qu’ils appelleront le théâtre d’objet, tandis que le CDN aura une programmation dit classique autours d’un théâtre de texte.

Pour continuer à percevoir la mane étatique, l’heure est aux fusions, l’espace Planoise et le théâtre municipal opéreront un mariage de raison pour devenir un pôle culturel d’importance.

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