L'homme ce vaste Jardin
Un projet franco-suisse
Nous proposons de construire une exploration artistique des différentes manières de vivre la frontière franco-suisse dans l’arc jurassien. Cet objectif se matérialisera progressivement au travers d’une mosaïque de témoignages filmés, d’une mise en images et en musique, et d’évènements théâtralisés participatifs.
L’équipe propose de créer une succession d’espaces de rencontre faisant émerger des lieux d’imaginaire où l’expérience de chacun se rejoue de façon poétique. La démarche donne à voir un écosystème humain en mouvement, avec sa panoplie de tensions et de possibles.
Notre approche permet d’explorer divers « usages » de la frontière, mais aussi d’exprimer des ressentis autant que des désirs, des peurs ou des visions.
Elle permet une déconstruction pour mieux se projeter dans un futur qui relie, et offre un outil riche et évolutif pour une approche concrète du vivre-ensemble.
Notre démarche se déploie sur le long terme. Chaque étape a néanmoins son autonomie et sa finalité propre. Ce dossier présente en détail la première phase du projet et donne à voir le cheminement qui suivra. Chaque phase du projet fera l’objet de demandes de financement séparées.
Nos visions du futur sont de plus en plus teintées de fatalisme, l’éco-anxiété semble progressivement recouvrir nos imaginaires. Notre machine à rêver semble en panne.
Nous avons donc imaginé un projet qui propose de la remettre en route, collectivement, à une échelle locale.
Nous nous proposons de tracer de manière fictionnelle et ludique le monde de demain, au travers des outils de la vidéo et du théâtre.
Les histoires que nous nous racontons façonnent le monde qui nous entoure. Notre réalité se tisse à partir de fictions, comme le décrit Yuval Noah Harari dans son ouvrage «Sapiens : une brève histoire d’humanité». La capacité fondamentale de l’homme est de créer des récits partagés qui lui permettent de faire société.
Les histoires que nous nous racontons façonnent le monde qui nous entoure. Notre réalité se tisse à partir de fictions, comme le décrit Yuval Noah Harari dans son ouvrage «Sapiens : une brève histoire d’humanité». La capacité fondamentale de l’homme est de créer des récits partagés qui lui permettent de faire société.
Notre monde globalisé est dominé par la fiction libérale, qui semble avoir colonisé nos imaginaires. Elle impose un récit fait de puissance, de progrès, de croissance et d’individualisme. Cette idéologie réécrit l’Histoire comme une suite d’évolutions inéluctables, qui nous auraient menées à ce seul présent possible, érigée en meilleur des mondes.
Du politique au Poétique
Ne nous a-t-elle pas apporté la prospérité et le confort, une espérance de vie prolongée ?
N’a-t-elle pas fait de nous des individus indépendants et libres ? En effet, nous aimons la facilité et le confort que nous prodigue le système actuel. En même temps, nous nous en sentons prisonniers, comme s’il ne répondait pas réellement à nos aspirations, comme si la puissance de l’avoir qu’il nous offre se faisait au détriment de nos puissances d’être. Nous sommes rassasiés, mais insatisfaits.
De plus, l’aisance qu’il nous confère repose les énergies fossiles. Nous savons aujourd’hui que la croissance qui y est associée, nous conduit inexorablement
vers un avenir effroyable. Malgré tout,
nous peinons à imaginer d’autres
récits qui nous feraient tenir
ensemble, craignant que le futur ne
soit qu’une dégradation de notre présent,
une perte de liberté, une perte de puissance.
Et si cela n’était pas le cas ?
Notre projet se propose de partir à la recherche d’autres fictions, d’autres paradigmes.
Nous nous servirons du théâtre et de la vidéo comme d’une baguette magique ouvrant vers d’autres possibles, d’autres façons d’être au monde.
Conscient des freins qui nous maintiennent dans un présent mortifère, et de la dépression qui mine nos espoirs, nous commencerons par mettre en jeu l’effondrement de notre société moderne. Au lieu d’attendre ce naufrage annoncé, nous proposons de l’anticiper de façon ludique et fictionnelle, en le donnant à jouer collectivement.
Cette mise en crise du futur se veut une sorte de thérapie artistique, un électrochoc burlesque, une manière de secouer les peurs qui obstruent notre présent et nos imaginaires.
Libérés de nos peurs, nous pourrons partir à la recherche des initiatives locales vertueuses.
Si, au lieu de nous enfermer dans nos singuliers, nous déclinions l’avenir au pluriel ?
Notre démarche poétique fait le pari du politique, car malgré cette désertion apparente du cirque qu’il est devenu, nous restons profondément des êtres enracinés dans le commun. Face à ce système qui invisibilise nos dépendances pour briser nos solidarités, nous cherchons tous une raison d’être qui dépasse les frontières de nos singuliers, et qui nous emmène parfois à expérimenter d’autres façons de faire. Elles passent souvent inaperçues dans nos quotidiens effrénés d’aujourd’hui, mais elles sont peut-être les issues de secours du monde de demain.
À l’image de la ville de Détroit qui, après avoir connu une crise sans précédent, a réussi sa renaissance au travers d’un projet d’agriculture urbaine, nous voulons faire voie vers d’autres manières de cultiver nos jardins du futur.
Nous mettrons en lumière des expériences qui font le pari de la solidarité, expérimentent des fictions qui nous lient, dans une prise en compte de nos fragilités communes.
En regardant le présent d’un futur hypothétique, on donne à des alternatives actuelles une résonance inédite. Et si en fin compte, elles étaient autant d’opportunités de répéter d’autres fictions, d’autres futurs, pour se les approprier, à la manière d’un comédien qui, par le jeu, fait advenir un monde ?
Ces portraits filmiques d’habitants ou d’associations seront présentés lors de “ veillées aspirateur ”, dans lesquels elles nourriront des échanges contribuant à mettre du vent dans les ailes de nos imaginaires en berne. Ensemble, habitants et artistes, tenteront de tracer les jardins du futur.
Ces aspirations collectives viendront inspirer les fantasmes de notre faux réalisateur. Après avoir tourné le désastre de notre société moderne, il mettra en image ces utopies bucoliques en s’appuyant de nouveau sur les habitants du territoire.
L’ensemble des films, séquences fictionnelles, portraits d’habitants, constitueront les morceaux d’un grand
En un coup d'oeil
La porte d’entrée du projet est une pièce de théâtre participative, qui transporte les spectateurs dans un monde apocalyptique, inspiré du roman «Après le monde» d’Antoinette Rychner. Au cours de ce spectacle, ceux qui sont venus y assister, deviennent, progressivement, les acteurs à part entière de la fiction qui est en train de se construire. Sous la houlette d’un ‘réalisateur’ quelque peu loufoque, ils se retrouvent projetés dans un univers chaotique et violent, un périple maillé de dangers de toutes sortes, où des tribus s’organisent autour de jardins vivriers, qui leur permettent de reprendre pied.
Fort de cette première expérience, notre réalisateur mégalomane, mais sans réels moyens, poursuivra ces séances de tournage sur le territoire. Elles mettront en jeu des habitants figurants et retraceront les étapes des bouleversements et des crises qui ont secoué le monde en 2029.
Parallèlement, avec une équipe de documentaristes bien réelle, nous partirons en quête de jardins, d’expériences, d’initiatives locales, nous collecterons des témoignages sensibles comme autant de graines porteuses d’avenir.
puzzle que nous agencerons lors d’une présentation finale en plein air.
Ce projet entremêle les fils du réel et de la fiction: les fantasmes bouillonnants et burlesques d’un réalisateur et le sensible des expériences vécues sur le territoire. Dans sa manière de faire, il s’apparente au crochet : il tricote les fils du présent pour tisser l’avenir, et les fils de l’avenir pour revisiter le présent.
Démocratie culturelle
Notre objectif au travers de ce projet est de créer un imaginaire commun, des fictions qui nous permettent de cheminer et de nous projeter dans un futur riche en possibles.
Malgré tout, retisser un espace d’imaginaire collectif ne va pas de soi.
Lorsque l’on parle d’alternatives, on pense surtout à celles que mène une classe moyenne cultivée : AMAP, collectifs d’habitat, autoconstructions en paille, écoquartiers…Même si elles viennent nourrir des espoirs, elles marquent aussi des clivages. Elles sont portées par une classe moyenne cultivée pour une classe moyenne cultivée. Le décalage, ce petit pas de côté, envisageable pour les classes sociales plus favorisées, paraît hors de portée pour celles qui le sont le moins.
Ces expériences créent un front entre ceux qui pensent savoir et ceux qui semblent ne pas vouloir comprendre.
Pour sortir de ce dialogue de sourds, qui entretient chacun dans sa sphère, et ne pas cantonner notre action à un public de classe moyenne cultivée, nous prendrons appui sur un thème plus universel, qui transcende les classes: le jardin.
Ce thème, dans l’éventail des réalités qu’il englobe, permet de tisser des ramifications et de créer un espace de reconnaissance entre des mondes qui souvent s’ignorent. C’est pourquoi cette thématique constitue notre fil conducteur.
En quête de jardin
Le jardin se situe à mi-chemin entre culture et nature. Il est le lieu d’un savoir-faire, mais également le lieu d’un savoir-vivre. Voltaire ne dit-il pas : il faut cultiver son jardin ? Il est un espace bien réel, mais il se prête facilement à des interprétations métaphoriques ou philosophiques.
Ordonné ou touffu, alimentaire où poétique, il est miroir de son jardinier.
Le jardin peut être comparé à une œuvre d’art qui n’est que la projection de celui qui le travaille et lui donne forme. Kundera a appelé l’un de ses livres « L’homme, ce vaste jardin ». Ne sommes-nous pas tous à notre manière de vastes jardins où s’entremêlent nos complexités humaines ?
Dans un potager, les plantes et les légumes s’associent, se complètent, se protègent les unes les autres.
Cet écosystème peut donc être une métaphore d’une société idéale, dans laquelle chacun a un rôle à jouer.
Le jardin a souvent été le lieu d’une utopie : le jardin d’Eden de la Bible, le jardin de cocagne de Rabelais, le jardin des délices de Jérôme Bosch, les jardins suspendus de Babylone, et de façon plus réelle les cités-jardins qui voient le jour au début du XX siècle.Ces utopies bucoliques, impulsées par Ebenezer Howard en Angleterre, viennent apporter une réponse aux quartiers insalubres et misérables dans lesquels est cantonnée une population ouvrière.
À un urbanisme enrégimenté et misérables dans lesquels est cantonnée une population ouvrière. Il privilégie une urbanité vernaculaire et organique, maillée de venelles piétonnes, où les jardins privatifs donnent sur des parcs. Ce modèle fera tache d’huile, certaines villes en France en portent encore les traces.Les cités-jardins, cette utopie qui favorisait le bien-être et le vivre ensemble, semble terriblement d’actualité ; elle est d’ailleurs en partie reprise par les projets d’écoquartiers.
Le jardin, dans le contexte de notre projet, symbolise la mutation vers un nouveau paradigme. Il représente bien plus qu’un simple espace physique de culture et de récolte. Il incarne une transformation profonde de notre rapport à la nature, à notre communauté et à nous-mêmes.
La pratique du jardin est une manière de se mettre à la terre, de sortir des tensions électriques dans lesquels nous place notre monde contemporain pour faire émerger notre propre nature et nos aspirations communes.
Les films dont nous sommes les héros
Chaque territoire que nous explorons est, à la fois, particulier et similaire aux autres.Nous ne savons pas ce que nous y trouverons, et c’est notre pari initial. La seule chose que nous présumons, c’est que partout, il existe des histoires particulières, des herbes sauvages qui tentent de se frayer un chemin.Au travers des différents portraits filmiques, nous ne cherchons pas des choses révolutionnaires ou grandioses, mais plutôt ces petits décalages.
Que cultive-t-on qui échappe au consumérisme dans lequel notre système cherche à nous enfermer ?
Ces utopies de poches ne cherchent pas à rivaliser avec les grandes narrations du passé. Elles ne prétendent pas offrir des solutions globales, elles ne sont en rien un mode d’emploi du futur. Elles évoquent, plus qu’elles ne définissent ; en cela, elles permettent à tout à chacun de se les approprier. Ce sont des morceaux d’histoire que nous pouvons recomposer à loisir pour nous remettre à espérer.
Au slogan répété de la puissance, nous opposerons les jardins sensibles des individus porteurs de symboles capables de craqueler les croûtes de ce système dans lequel nous avons du mal à nous retrouver.
Au héros des écrans, nous substituerons des héros ordinaires des utopies de poche.
Que cultive t-on dans nos marges ?
Que cultive-t-on qui échappe au consumérisme dans lequel notre système cherche à nous enfermer ?
Nous voulons donner à voir ce qu’ils déposent sur les rivages singuliers des individus qui les vivent et les prises de conscience qu’ils produisent chez eux.
Une action radicale
Imaginer une fin de monde pour pouvoir en sortir peut paraître cynique, à l’image de ces contemporains qui nous disent que nous ne changerons que contraints et forcés, une fois que le naufrage aura eu lieu. Elle se veut surtout une culbute facétieuse, radicale et jubilatoire, une façon de gratter les croûtes de ce monde libéral en montrant qu’il n’a pas d’avenir. Nous jouons sur l’inversion, comme les fêtes des fous du Moyen âge ou des punks des années 80. Lorsque ces sauvageons hirsutes et anglais brandissaient le slogan No futur, ce n’était pas pour condamner l’avenir, mais pour condamner le présent: le libéralisme et le consumérisme dans lequel les entraînait Margaret Thatcher. Nous ne sommes toujours pas sortis de cette fiction mortifère des années 80 : libéralisation des marchés, privatisation des entreprises publiques et réductions d’impôts pour les riches.
Notre action se place dans cette radicalité punk.
A leur manière, nous voulons faire sauter cette fiction funeste de la toute puissance et de la croissance infinie. Comme eux, nous voulons utiliser l’art pour le faire. Là où les punks brandissaient leurs guitares saturées, nous brandirons la caméra et son pouvoir réfléchissant, ainsi que le corps à corps du théâtre et sa puissance collective.
Là où le pouvoir économique et culturel nous délie, nous proposons de nous relier dans la plaisanterie. Au sérieux de cette idéologie tirée à quatre épingles, qui se joue de nos démocraties et de nos rêves, nous opposons la plaisanterie. Comme lors des fêtes des fous, nous invoquerons notre droit inaliénable à la fête et au rire. C’est la pirouette du clown que nous mettons en jeu, nous jouons à saute-mouton avec un présent confisqué et par le jeu de l’anticipation, nous roulons le pragmatisme mortifère dans la farine des fictions, tirons la langue aux prévisions budgétaires qui ne veulent plus rien dire..
Ciné rue, les toiles de l’avenir
Les séquences tournées dans la rue s’appuieront sur les mêmes codes du cinéma muet, elles seront une déclinaison de ce que le public a déjà vécu lors du spectacle, et seront orchestrées par le même réalisateur loufoque.
Plan sur une famille remplissant son caddie de produits de base.
Zoom sur deux ados qui siphonnent le réservoir d’une voiture.
Traveling sur des gens qui attendent qu’on remplisse leurs gamelles d’une bouillie brunâtre.
Plan américain sur un homme armé d’un pétoire qui fait le planton devant son jardin, pour protéger ses tomates.
Plan sur un prophète qui sacrifie une perruche dans l’espoir d’apaiser la divinité responsable du cataclysme.
Traveling sur un embouteillage dont on ne sait plus quand il a commencé.
Caméra à l’épaule sur des manifestations de rue.
Nous nous amuserons à détourner ces scènes de catastrophe empruntées à notre mémoire collective, pour leur donner l’aspect burlesque des films muets.
Dans un second temps, nous tournerons des séquences qui mettent en jeu une humanité retrouvée. Car, malgré les bouleversements, dans ce monde en proie à la misère et à la violence, des individus se regroupent en tribus, chacune réinventant ses propres règles et ses modes de vie. Dans ces petites oasis éparses s’inventent de nouvelles solidarités. Le jardin vivrier est devenu le centre de la vie collective.
Les tournages auront lieu dans la rue et constitueront des rendez-vous réguliers. Ces rituels, de par leur aspect poétique ou drôle, bousculeront le quotidien et attiseront la curiosité, contribuant ainsi à faire connaître l’action sur le territoire.
Ils permettront, en outre, d’enrôler de nouvelles personnes.
Un spectacle mode d'emploi
La pièce de théâtre que nous proposons pour commencer le projet, fonctionne comme un jeu de rôles, dans lequel les spectateurs découvrent progressivement qu’ils sont les figurants d’un film qui retrace l’effondrement de nos sociétés modernes. En les faisant participer, nous les immergeons à la fois dans la réalité d’un tournage, et dans une fiction post-apocalyptique, dans laquelle le jardin vivrier a pris une place cruciale.
À la manière des maisons-témoin, ce dispositif participatif permet de façon concrète de comprendre les thématiques que nous explorons par la suite : l’avenir et les jardins.
Les séquences que nous mettons en place s’appuient sur notre imaginaire collectif : manifestations, migration, crise, épidémie…
Cependant, à la différence du flot d’images que nous crachent les écrans et face auxquelles nous sommes passifs, nous opérons une inversion : les spectateurs se font acteurs, ils deviennent les migrants fuyant les conséquences de l’effondrement à la recherche d’un havre de paix.
Le spectacle met en jeu des modes de participation simples : afin de faciliter la prise de rôles, nous utilisons les codes du cinéma muet qui s’appuie sur la gestuelle et l’exagération. Ce type d’expression est une manière simple et clownesque de les embarquer dans notre fiction, de créer la complicité en s’amusant.
Les séquences auxquelles les spectateurs participent sont tout d’abord collectives. De “faux spectateurs” impulsent la dynamique des scènes, un réalisateur loufoque orchestre l’ensemble, et donne à l’ensemble un aspect bon enfant.
Le spectacle a pour objectif de faire rentrer les spectateurs dans la mécanique de notre projet. Il vise à emporter leur adhésion pour en faire les ambassadeurs de nos futures interventions.
Les spectateurs se sont rassemblés dans une cave, une grange ou un hangar. À la lumière crépusculaire d’un phare, ils écoutent deux femmes hirsutes, sorte de bardes futuristes et déglingués, leur raconter le déroulement des événements qui ont vu basculer nos sociétés dans le chaos.
Le 5 avril 2029, un samedi, soixante mille personnes sont mortes dans un ouragan frappant la baie de San Francisco. Nos téléviseurs se sont mis à dégorger ces images, corps hagards déambulant au milieu de rues dévastées, hôpitaux surchargés. Les coûts des dégâts se révèlent si massifs que les compagnies d’assurance ne peuvent plus les couvrir. Les sociétés dont elles s’étaient portées garantes, font faillite.
Les banques reliées aux assurances par un réseau de créances, d’obligations, de fonds spéculatifs se cassent la gueule.
Les deux femmes saisissent leurs guitares électriques et se mettent à chanter :
Private Equity, Dark Pool, Short Selling , Hedge Funds, Eliott Management, Milenium Mangement, Renaissance Technologie, Bridgetwater Associates.
A Manhattan, des buildings vomissent leur personnel licencié. Le château de cartes de la finance s’effondre… Les pays pétroliers cessent d’exporter, déstabilisant les circuits routiers, aériens et le trafic ferroviaireCoupez! un réalisateur s’entretient avec les deux chanteuses, le cameraman se rapproche des narratrices.
Juin, C’est la fin des haricots.
Coupures d’électricité, de gaz.
Les poubelles ne sont plus ramassées, les ordures s’entassent dans les rues, les égouts débordent, saturant l’air d’odeur fétide.
Des conseils d’urgence sont instaurés, couvre-feu, la loi martiale. Dans les rues, on tire sur des gamins qui chapardent.
Coupez! le réalisateur demande à la femme hurlante de s’approcher, une spectatrice regarde sur une feuille qu’on lui a distribuée à l’entrée, elle est bien la femme hurlante. Le rôle est muet, il lui montre des gestes qu’elle répète. Le caméraman vient se poster devant elle, et la filme se tordant de désespoir.
Coupez! de nouveau. Les spectateurs et l’équipe de tournage sortent dehors, le réalisateur explique à une dizaine de spectateurs/ figurants l a scène qu’ils vont tourner. Une scène d’exode, une petite troupe en file indienne, s’extirpe d’un amas de buissons et passe tour à tour devant la caméra. Cette petite troupe aboutira à un jardin potager où une tribu les accueillera sous son aile. La scène finale donne lieu à un moment festif et dinatoire qui se prolonge au-delà du tournage.
Silence on tourne
Portraits Filmiques
Armés d’une caméra, nous nous mettrons en quête d’initiatives locales, passés ou présents, mais aussi d’habitants porteurs de valeurs, de savoirs-être ou de savoirs-faire qui échappent au consumérisme de notre monde actuel.
En épousant le thème du jardin nous mettrons en valeur des réalités et des histoires multiples.
Notre démarche est poétique. Au travers de ces collectes de témoignages nous ne chercherons pas à calquer le réel ou le vrai, comme dans un reportage. Ne voulant pas être didactique, nous ne collectionnons pas une suite d’expériences mais essayons plutôt de trouver ce qu’elles produisent sur les personnes qui les vivent. Nous les accompagnons pour en faire les acteurs de leur propre exploration.
Notre dispositif fonctionne comme un bain photographique, il est une manière d’aller voir ce qui se cache derrière nos miroirs policés. Comme dans “Alice au pays des merveilles”, nous voulons aller dans cette fiction des êtres où s’entremêlent nos complexités et nos fantasmes.
Au travers des différents portraits filmiques, comme nous l’avons fait auparavant sur nos Zones Optimum de Bonheur, nous chercherons à décaler les regards que nous portons les uns sur les autres, pour donner à voir notre commune humanité.
A l’image de Mehmet, que nous avions filmé au pied de son immeuble et qui nous avait montré les arbres fruitiers qu’il plantait en douce sur son quartier. Même s’il ne l’a jamais lu, il y a du Giono chez Mehmet. Comme le berger Elzéard Bouffier dans la nouvelle “L’homme qui plantait des arbres”, par ce petit geste, il bouscule notre société individualiste, et apporte du bien, comme le prescrit sa religion.
Ce sont ces décalages, ces petits pas de côté que nous tenterons d’aspirer, au travers d’une poignée de portraits. Que cultive-t-on? Sous le béton de nos civilisations modernes, quelles aspirations cherchent à se frayer un chemin ? Qu’est ce qui craquelle en nous, parfois malgré nous ?
Au travers de cette quête, nous cherchons une façon de recomposer nos imaginaires, pour faire éclore de nouvelles aspirations.
Les veillées aspirateurs sont des soirées dans lesquelles nous projetons les différents matériaux que nous avons filmés. Ils ont un caractère brut et demandent à être affinés.
Les veillées aspirateurs
Dans ce balancement, des analogies surprenantes se tissent, des perspectives se dessinent, des sentiments émergent, de nouvelles puissances se font jour.
La veillée, dans la diversité des points de vue et des expériences qu’elle met en jeu, est une caisse de résonance, où l’on se reconnaît et où l’on est reconnu. Chaque témoignage devient un miroir vivant où se reflètent nos propres questionnements.
Cet aspect volontairement inachevé nous permet d’entrer en dialogue, de clarifier la démarche, de faire évoluer collectivement le projet. Ils sont l’occasion de prise de parole, de questionnement, mais aussi de participation ludique, de jeux d’écriture. Par leur aspect convivial et décontracté, ces rendez-vous ont plus à voir avec une soirée diapo organisée par des voisins qu’avec une représentation close sur elle-même.Les différents portraits opèrent comme un dévoilement dans lequel des rapprochements se jouent entre ceux qui regardent et ceux qui sont représentés. Ils permettent à la fois de conforter la parole de chacun et de s’ouvrir sur les diversités et les similitudes à l’œuvre. Les portraits sont comme les cailloux du Petit Poucet, ils permettent de cheminer, ils n’imposent pas, ce sont des signes ouverts, des détonateurs. D’un portrait à un autre, des mondes se font jour.
La présentation finale est un objet hybride, dans lequel se mêle théâtre, vidéo, musique, chant et interventions du public : les comédiens interagissent avec les images projetées, des éléments du film se poursuivent sur scène, les personnes qu’on voit à l’image se retrouvent aux côtés des comédiens.
Un musicien ponctue les images projetées par des compositions qui sont jouées en direct avec des musiciens locaux, des refrains peuvent être repris par des chanteurs amateurs disséminés dans le public. Une question posée dans le film peut se répercuter dans la salle.
Ce que nous montrons, c’est une part de territoire, une œuvre collective, faite de multitude de morceaux que chacun a contribué à façonner au fil du projet.
Cette présentation agence les différents morceaux du puzzle, tisse des liens entre
Ils brassent ensemble des images de fiction, des témoignages, le monde d’aujourd’hui éclaire le monde de demain, et vis et versa.
Mettre en lumière cette mécanique n’a de sens que dans les participations qui y sont à l’œuvre.
Présentation finale
La force de ce projet réside dans sa dynamique coopérative et participative, il s’appuie et met en lumière les habitants d’un territoire, renforçant ainsi un sentiment d’appartenance collective.
Au toujours plus, aux vertiges des images, qui nous réduisent à la passivité et à l’impuissance, nous proposons aux participants d’être acteurs de leur propre récit. A ce présent sur lequel nous n’avons pas prise, nous substituons un procédé bien plus organique, qui se construit de proche en proche, de bouche-à-oreille.
Chaque nouvelle phase du projet est l’occasion de nouvelles prises de rôles, de nouveaux entendements, de nouvelles visibilités.
Nous voulons mettre en place une réaction en chaîne d’engagement, où chacun est à la fois acteur et ambassadeur de sa propre expérience.
A une économie de plus en plus irréelle et dérégulée où l’homme n’est plus qu’une variante d’ajustement, nous opposerons la force de la culture, ce bien qui nous lie dans un destin commun, dans lequel chacun a une place et un rôle à jouer.
Une réaction en chaine organique