Un cours de français
très particulier
Il y a un prof stagiaire, plein de bonnes intentions bien que totalement maladroit. Il y a un Inspecteur Pédagogique, aussi grand que sévère mais qui se déride avec la musique. Et il y a une nouvelle élève, introduite dans la classe par un membre de l’administration de l’établissement. Elle est discrète, un peu perdue jusqu’à ce que l’Inspecteur lui demande de lire une de ses productions.
Durant le premier quart d’heure, les élèves croient à cette imposture. Ils sont venus en cours comme d’habitude ; leur vrai professeur leur a présenté un stagiaire comme cela arrive quelquefois dans l’année.
Puis, notamment à partir du moment où l’inspecteur pédagogique sort sa guitare et son accordéon (cachés préalablement dans le fond de la salle) le doute s’immisce fortement en eux. Au cours de ce scénario, construit afin de nous permettre d’enchaîner la lecture de six textes, nous leur donnons des signes de plus en plus clairs de la duperie et, évidemment, plus personne n’y croit à la fin du cours. Cette évolution crée une forte complicité entre nous et les élèves –ravis qu’ils sont d’avoir été « roulés dans la farine »- et finalement, ils sont tous séduits par ce spectacle qui n’est en fait qu’une succession d’extraits de littérature.
L'origine du projet
Pendant leur tournée de "Lire en Campagne" (spectacle de lecture pour adultes), les intervenants ont rencontré beaucoup de professeurs de français qui leur parlaient immédiatement de leurs difficultés de "donner envie de lire". L'origine de leur travail autour de la lecture étant exactement celui-ci « donner envie de lire », ils ont créé un nouveau spectacle de lecture mais tout spécialement pour les adolescents.
Pourquoi cette imposture
A priori, les élèves du secondaire ne constituent pas un public facile. Ils ont souvent une image astreignante et poussiéreuse de la littérature.
Les acteurs ont donc réfléchi à une forme surprenante et ludique. Leur travail de comédien leur permet d'entrer dans l'émotion des textes afin de mettre en valeur leur aspect vivant, mordant, vigoureux et rebelle.
Au cours des répétitions, ils ont donc fait les choix suivants :
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prendre les élèves au dépourvu, faire en sorte qu'ils ne viennent pas voir un spectacle afin d’éviter tous leurs à priori.
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jouer devant une seule classe à la fois afin d’être « très proches » des élèves pour qu'ils aient la sensation que ces mots, écrits parfois il y a bien longtemps, leur sont adressés.
Le choix des textes
Pendant cette heure de français très particulière les élèves entendent les textes suivants :
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Candide de Voltaire
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Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas
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Sensations d’Arthur Rimbaud
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Je ne suis pas un singe de Virginie Lou
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Les misérables de Victor Hugo
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De la tendresse de Robert Cormier
Pourquoi ces textes
« Nous avons fait le choix d’un répertoire de textes comprenant à la fois des auteurs dits « classiques » et des romans de collections dites « pour adolescents » afin de montrer la littérature sous différentes formes et dans toute sa richesse.
Nous avons « travaillé » tous ces extraits afin de faire ressortir avant tout leur contemporanéité. Par exemple, l’extrait des "Misérables" (Livre deuxième, chapitre III : « Héroïsme de l’obéissance passive ») où Jean Valjean est accueilli par l’évêque après lui avoir raconté qu’il avait été chassé de partout résonne étonnamment auprès de ces adolescents qui ont grandi avec l’émergence de ces questions d’exclusion.
Nous les surprenons aussi grâce au choix de textes plus contemporains dans lesquels le langage ressemble au leur. Nous leur faisons croire qu’un des textes est une rédaction écrite par une élève. Vu le vocabulaire utilisé, cela est tout à fait probable, et les élèves ont l’impression, un court instant, qu’eux-mêmes pourraient avoir écrit ces mots.
"Les trois mousquetaires" est un texte qui nous permet d’introduire beaucoup de théâtralité. Le théâtre est un outil formidable pour rendre des situations concrètes en passant par la voix et surtout par le corps. Le professeur-stagiaire se retrouve dans des positions rocambolesques, sur les tables, sous les tables, proche d’eux, parfois même en contact et c’est une notion importante pour nous, le corps reste trop souvent muet à l’école, sauf bien-sûr au cours de sport, mais il existe un vrai lien entre la littérature et le corps.
La musique est peut-être l’art le plus populaire, c’est pourquoi nous avons tenu à travailler avec un musicien chanteur. Pour cela Rimbaud a été un support merveilleux, et quand l’inspecteur pédagogique sort sa guitare et chante « Par les soirs bleus d’été… », la supercherie est découverte mais les mots vibrent, bien vivants. Et mettre en musique Rimbaud ou un autre poète peut paraître si simple…
Dans le texte « De la tendresse » nous pouvons suivre le parcours d’une jeune adolescente rebelle qui ne ressemble à personne et qui surtout ne correspond pas à qui
on voudrait qu’elle soit.
Natalia Wolkowinski : Elle a un peu plus de 30 ans mais peut en paraitre vingt, voire quinze. Elle joue la nouvelle élève, Sonia Simon.
Max Bouvard : Sa mère a toujours rêvé qu’il intègre l’Education Nationale. Il joue le prof stagiaire, Monsieur Xérès.
Martin Lardé : Il a triplé sa seconde. Il joue l’Inspecteur Pédagogique, MonsieurRabier.
Jean-Charles Thomas : Il a raté son bac dans un lycée autogéré. Il a fait la mise en scène.
L'équipe
« Tout ça c’est pur plaisir. Il y a la situation, les personnages,
du propos.
On est loin du pesant socio cul, des bons sentiments etc.
Ce n’est rien que du théâtre.
C’est pour cela que je déteste la notion d’action culturelle, à laquelle je préfère la notion d’action artistique. Bien sûr que oui, on peut faire de l’excellent théâtre hors théâtre, c’est souvent presque mieux. Cf. la citation de Dubuffet. “L’art
n’aime pas les lits que l’on prépare pour lui” »
Jacques Livchine, à propos de ce spectacle
« La supercherie mise en place depuis un long moment faisait que l'on n'avait pas envie de l'interrompre et qu'on avait envie de jouer le jeu afin de connaitre la fin de ce cours étrange. » Marisa, classe de 1ère
« Moi j’ai trouvé génial le fait de lire et d’interpréter en même temps. Je vous remercie d’être venus c’était trop génial. Ca nous donne envie de lire »
Florent, classe de 4ème segpa
« Votre pièce m'a surtout rappelé et démontré que le théâtre se doit d'être vivant (…)
Lors de nos précédentes représentations nous nous sommes évidemment rendus
compte que le théâtre n'était pas un film, cela était logique. Voir le lien entre acteur
et spectateur l'était beaucoup moins.
Grâce à vous, j'ai enfin compris avec
précision la notion du partage théâtral (…)
Je tenais à vous remercier pour un point plus intime. Grâce à vous j'ai découvert " De
la tendresse" de Robert Cormier (…) Si vous saviez ce que peut coûter le rire de
certaines personnes, vous seriez très fortunés. » Alexandre, classe de 1ère
« Les textes lus avec la musique donnaient vraiment une impression de film, et nous ont permis de découvrir la littérature d'une manière très différente. »
« Vos textes m'ont inspiré, j'ai compris que chaque mouvement, chaque évènement de notre vie est une histoire à conter, à écrire, à graver quelque part. »
Ange, classe de 2nde
« C’est complètement déjanté. C’était trop bien ! Franchement...respect »
Brandon, classe de 3ème
Il nous parait important de parler de ces jeunes gens qui ne correspondent pas au système scolaire car il est finalement unique et lorsqu’ils ne sont pas faits pour entrer dans ce moule, leur vie devient très compliquée. Le sentiment de solitude est violent.
Le fait que des adultes parlent de ce personnage au sein du collège peut faire exister ce genre de personnalité aux yeux de tous.